Plébiscitée sous forme de livres ou d’émissions de télévision, la cuisine tient aussi la vedette dans les bandes dessinées, les mangas ou les romans graphiques.
Retrouver les vraies valeurs, manger mieux, découvrir les produits du terroir, renoncer totalement à la viande ou suivre un cours de cuisine durant ses vacances en Thaïlande sont des activités qui deviennent à la mode.
Pourtant, le monde culinaire a rarement servi de pièce de résistance à nos classiques de la BD : Tintin, Lucky Luke, Rahan, Bob Morane ou les Chevaliers du ciel par exemple semblent vivre d’eau fraîche et d’air pur. Certes, Petzi a la chance d’avoir une maman qui le goinfre accessoirement de crêpes et les fameux Gaulois adeptes de potion magique engloutissent un nombre incalculable de sangliers avant de clore leurs péripéties par le fameux banquet au cœur de leur village. Toutefois, tout cela n’est que de la garniture : l’aventure est ailleurs, dans le vaste monde, où il faut traquer les méchants, sauver les plus faibles, chercher le soleil ou partir pour une nouvelle mission.
Or, voilà que depuis quelques années, la cuisine devient le plat de résistance du 9e art, offrant un lieu propice aux intrigues, aux coups de feu, aux énigmes et aux biopics. On y trouve donc maintenant des héros toqués, des critiques gastronomiques ou de fins gastronomes.
Les arts de la table n’ont émergé qu’au xxe siècle et sont la résultante d’une multitude d’initiatives individuelles lancées par des passionnés à travers les âges : un vrai pot-pourri! Ainsi, le poète grec Archestrate est à l’origine du mot « gastronomie », tandis que le médecin chinois Sūn Sīmiǎo a imposé l’idée d’une alimentation équilibrée. En revanche, c’est l’humaniste Érasme de Rotterdam qui a codifié les bonnes manières à table à l’époque où l’on se soulageait encore devant tout le monde avant de passer à table et où l’on recrachait les aliments prémâchés. Le gentilhomme Beauvilliers quant à lui, pétri d’éducation, a ouvert le premier grand restaurant en combinant les ingrédients du luxe : un personnel soigné et attentif, un service discret, des mets raffinés, un menu à prix fixe, une bonne cave et une note bien salée. C’est encore le roi des cuisiniers, Auguste Escoffier, inventeur de nombreux classiques (la poire Belle-Hélène, la crêpe Suzette ou la pêche Melba), qui a révolutionné l’organisation des grandes cuisines en instaurant les brigades ou en fixant des protocoles gastronomiques.
Si l’art de la table n’a pas toujours été au service de la BD, il a offert inspiration et réconfort à nombre de musiciens et artistes : Bach a inventé la première forme de la musique publicitaire en racontant dans une cantate les démêlés d’une jeune fille tombée amoureuse du café alors que Bizet a composé le quatuor de l’omelette. Rossini a fréquenté assidûment les grandes tables : grand gourmand, il a laissé en héritage de nombreux mets accommodés à sa sauce comme le tournedos, les œufs pochés, le poulet, le filet de sole ou les cannellonis. Quant à Alexandre Dumas, qui était un fin gourmet et un grand voyageur, il a été le premier à promouvoir la cuisine exotique.
L’album Les illustres de la table rend hommage aux chroniqueurs, musiciens, philosophes, médecins, rois ou grands amateurs de bonne chère qui ont participé à l’édification du temple de la gastronomie. Un texte d’une page, accompagné d’une à trois planches au style rétro, fait revivre les hommes et les femmes – l’histoire n’en a malheureusement retenu que quelques-unes – qui ont contribué à l’émergence du goût et à l’éclosion du débat alimentaire.
Mathieu Burniat, Benoist Simmat
Depuis deux mille ans, ils sont quelques-uns à avoir élevé l’art du plaisir à table au rang de philosophie existentielle. Ils étaient rois, diplomates, cuisiniers, bien sûr, mais aussi médecins, écrivains, acteurs, tous innovateurs de génie, tous avec un petit grain de folie qui en fait des « illustres de la table ». Voici une trentaine de portraits en mots et en images pour partager des recettes, des extraits d’oeuvres littéraires ou quelques anecdotes truculentes.
Editeur
Dargaud
Nombre de pages
130
Format
Album
Date de parution
octobre 2016
Le monde des critiques gastronomiques et des grands chefs soumis à la tyrannie de la course aux étoiles se prête aux polars, aux complots, à la traîtrise et aux romances. Cette invention du xxe siècle, qui a conduit à bien des mélodrames, a été jouée maintes fois au cinéma – qui ne se souvient pas de L’aile ou la cuisse – et sert désormais aussi de toile de fond à la bande dessinée.
La série Étoilé (en deux tomes) confronte le monde des lauréats de concours de cuisine télévisés à celui des chefs couronnés par les guides gastronomiques. Un jeune cuisinier sanguin, malheureux finaliste, est ainsi engagé par la fille d’un chef étoilé pour sauver son restaurant au bord de la faillite. Les deux albums relatent la rencontre puis la dilution du couple obnubilé par la réussite. Ce monde de stress et de désenchantements est servi par un scénario entrecoupé de flash-back qui peuvent dérouter le lecteur.
Etoilé, Tome 1
Luc Brahy, Delphine Lehericey, Fanny Desmarès
Bertrand Denoulet (Coloriste)
« – Tu ne serais rien sans moi ! – Rien ? Le peu de clients qu’on a, tu crois qu’ils viennent pour qui ? Pour le chef ! – Le chef ? Mais qu’est-ce que tu crois ? C’est la petite frappe qui fait de la télé qui attire, pas le roi du ragoût de bonite. » Lorsque Samuel Lejeune, finaliste malheureux de la célèbre émission The Ultimate Cook, rencontre Paula Balta, ambitieuse oenologue prête à tout pour venger son père – ancien chef étoilé -, un couple passionné se forme, rêvant de se faire un nom et de décrocher les étoiles.
Editeur
Editions Dupuis
Nombre de pages
51
Format
Album
Date de parution
janvier 2018
Etoilé, Tome 2
Luc Brahy, Delphine Lehericey, Fanny Desmarès
Bertrand Denoulet (Coloriste)
« – Je vais me réveiller, c’est pas possible. – Et qu’est-ce qu’on va faire, madame ? – On n’a plus d’étoile. On n’est même plus dans le guide. On n’a plus rien. » Avec leur première étoile au Vermont, le chef Samuel Lejeune et sa femme Paula Balta cherchent un lieu prestigieux pour en décrocher une deuxième. Le mariage d’amour s’efface au profit de la seule association professionnelle. Mais un restaurant plein ne suffit ni au bonheur ni à combler les dettes accumulées. Pietruch, le célèbre financier collectionneur d’étoiles, se rapproche du chef Samuel, il a de grands projets pour lui… Un déménagement se prépare, à mille lieues de celui dont rêvait Paula.
Collection:
ETOILES
Editeur
Editions Dupuis
Nombre de pages
50
Format
Album
Date de parution
juin 2018
Le goût d’Emma retrace les premiers pas d’une jeune femme engagée comme inspectrice par le guide Michelin. Déterminée, passionnée depuis toute petite par le goût et collectionneuse de vinaigres, elle apprend le métier à la dure avant d’être finalement reconnue par ses collègues masculins. Réalisé par une brigade féminine, cet album, paru au Japon sous forme de manga, a pour cadre les routes et les plus grands restaurants de France – et bien sûr les bureaux du guide Michelin. On y trouve un zeste de féminisme, avec une héroïne qui revendique le droit de ne pas souhaiter avoir une activité professionnelle tranquille et qui est prête à faire plus de 30’000 kilomètres par an pour assouvir sa passion et exercer un métier exigeant.
Emmanuelle Maisonneuve, Julia Pavlowitch, Kan Takahama
Emma a un don, celui du goût. Grâce à la finesse de ses papilles, elle réussit à devenir inspectrice au prestigieux Guide Michelin. Elle réalise son rêve : découvrir les secrets des chefs. Sa mission est semée d’embûches. On l’envoie sillonner seule les routes de France pour visiter hôtels et restaurants. Il lui arrive de manger trop, parfois mal, et de se heurter au machisme du milieu. Mais guidée par sa passion pour la cuisine et par son indépendance farouche, elle vivra une extraordinaire aventure sensorielle et humaine. Cette quête initiatique la conduira jusqu’au Japon. Inspiré de la véritable histoire d’une des premières femmes inspectrices au Guide Michelin, Le Goût d’Emma dévoile les coulisses de la gastronomie. Ce roman graphique est le fruit du travail de trois femmes : deux auteures françaises, Emmanuelle Maisonneuve, Julia Pavlowitch, et une dessinatrice japonaise, Kan Takahama. Le Goût d’Emma a fait l’objet d’une publication inédite au Japon, en feuilleton dans l’hebdomadaire Morning, puis en un volume chez l’éditeur tokyoïte Kodansha.
Editeur
Editions Les Arènes
Nombre de pages
200
Format
Album
Date de parution
février 2018
La remise en question de la cuisine industrielle, les scandales alimentaires ainsi que la vigueur de la mobilisation des activistes autour de la production et de la distribution des produits alimentaires créent un terreau propice à de nouvelles tendances passionnantes : les apiculteurs urbains, les permaculteurs, les Disco Soupes (la cuisine des invendus en plein air et la distribution gratuite de soupes), les locavores, les flexitariens, les paniers de fruits et légumes, les potagers scolaires, la réouverture des fours banals, l’éclosion des microbrasseries, etc. Tout cela nous promet des BD bien pétillantes!
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